Par une requête enregistrée le 30 aout 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat sous le n°487874 , l’association Recours Constitution a demandé l’annulation de la décision du 7 mars 2022 par laquelle a été arrêté la liste des douze candidats à l’élection présidentielle.
A l’appui de cette demande, nous avons notamment produit un mémoire en requête de 4.640 mots, qui recense plus d’une vingtaine de décisions et déclarations du Conseil d’Etat établissant clairement qu’il lui incombe de constater l’abrogation implicite d’une loi, notamment lorsque celle-ci est devenue contraire à la constitution suite à une modification postérieure de cette dernière, ce qui est très exactement le cas de la loi sur les parrainages sur laquelle est fondé l’établissement de cette liste.
Plus clairement exprimé notre argumentation peut se résumer en deux points :
- La loi organique du 16 novembre 1962, déjà inconstitutionnelle à l’origine de par sa contradiction avec l’article 6 de la constitution de 1958, est devenue encore plus inconstitutionnelle après l’incorporation de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) dans le bloc constitutionnel en 1971, de par sa contradiction avec les articles 6 et 8 de cette dernière. Cette inconstitutionnalité a été démontrée par un précédent mémoire en requête établi par Recours Constitution, portant notamment sur l’alinéa I de l’article 3 de la loi de 1962, établissant le système des parrainages.
- Bien que nous sachions que Conseil d’Etat ne possède pas le pouvoir d’abroger une loi, nous prétendons, par contre, qu’il possède le pouvoir de constater implicitement l’inconstitutionnalité d’une loi et, par conséquent, d’annuler tout acte administratif dont les prescriptions se fonderaient sur ladite loi et, dans le cas qui nous occupe, décision du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l’élection présidentielle de 2022. Cette possibilité est démontrée dans le deuxième mémoire en requête que nous avons produit à l’appui de notre demande.
Le Conseil d’Etat nous a répondu le 2 octobre 2023 que notre requête ne relevait « manifestement » pas de la compétence de la juridiction administrative et que, en application de l’article 122-12 du Code de la justice administrative l’autorisant à rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, en conséquence, il rejetait notre requête.
Au delà du caractère « manifestement » tautologique de cette argumentation, nous avons relevé trois failles particulièrement inquiétantes dans cette décision du Conseil d’Etat, ne serait-ce que du seul point de vue du principe de l’état de droit :
- Le Conseil d’Etat n’énonce aucun argument lui permettant de conclure que notre requête ne relève pas de sa juridiction
- Le Conseil d’Etat n’apporte aucune contradiction ni ne réfute aucun de nos nombreux arguments contenus dans les 4.640 mots de notre mémoire en requête établissant que, au contraire, notre requête relève de sa juridiction
- Le Conseil d’Etat n’indique pas de quelle juridiction, à son avis, dépendrait notre requête.
Il ressort de ces considérations que nous répondons au Conseil d’Etat que :
- Premièrement : nous contestons sa décision de rejeter notre requête au motif que ce rejet n’a d’autre justification qu’une unique affirmation non argumentée que notre requête ne relève manifestement pas de sa juridiction, ce qui nous semble relever d’un arbitraire peu compatible avec le caractère démocratique de nos institutions.
- Deuxièmement : nous protestons contre cette décision au motif qu’elle n’indique pas de quelle autre juridiction notre requête devrait relever, ce qui nous semble peu compatible avec le respect dû aux initiatives citoyennes de la part des instances suprêmes notre république.
Malheureusement, et d’un point de vue strictement juridique, il n’existe aucun recours possible contre cette décision du Conseil d’Etat, puisque, selon la constitution, cette juridiction statue en dernier ressort et ses décisions sont sans appel.
Alors que pouvons nous faire ? Et qu’allons nous faire ?
- Dans une première phase, nous allons écrire au Conseil d’Etat une simple lettre exposant nos contestations et nos protestations telles que nous venons de les détailler, et notamment en lui démontrant que la décision du 7 mars 2022 arrêtant la liste des 12 candidats à l’élection présidentielle de 2022 est bien un acte administratif et que sa mise en cause relève donc bien de sa juridiction,
- Dans une deuxième phase, nous transmettrons cette même lettre au Président de la République en lui demandant d’intervenir auprès du Conseil d’Etat afin que ce dernier fasse l’effort d’argumenter son rejet en apportant une contradiction circonstanciée à notre argumentation, d’une part, et que, d’autre part, il veuille bien nous indiquer la juridiction compétente pour traiter notre requête,
- Si la deuxième phase ne débouche sur aucun effet, nous amorcerons une troisième phase en alertant l’opinion publique sur le danger d’un fonctionnement arbitraire de la juridiction administrative suprême de notre nation, c’est à dire celle qui traite des litiges entre le citoyen ordinaire et les pouvoirs publics,
- Parallèlement, nous contacterons l’ensemble des députés et sénateurs intéressés pour déposer une proposition de loi modificative en vue d’abroger le système des parrainages
- Enfin, et si le système des parrainages n’a pas été abrogé d’ici là, nous saisirons directement le Conseil Constitutionnel dès la publication de la liste des candidats en 2027, en utilisant la seule fenêtre juridique autorisée par la loi dans ce domaine.